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Burkina: que retenir du projet de loi instituant les VDP voté à l’Assemblée législative de Transition?

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VDP, image utilisée à titre illustratif

Les attaques terroristes ont amené le Burkina Faso, depuis 2020, dans sa stratégie de lutte militaire, à opter pour un recrutement les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs de l’Armée, en vue de contenir les assauts des groupes armés. C’est dans cette perspective que le projet de loi instituant les VDP a été voté à l’unanimité le samedi 17 décembre 2022 par les députés de l’Assemblée législative de Transition (ALT). Mais, que retenir de ce texte qui est organisé en 21 articles et répartis en cinq chapitres ?

Le président de l’Assemblée législative de Transition (ALT), Dr Ousmane Bougouma, a présidé le samedi 17 décembre 2022, la plénière portant examen et vote du Projet de loi portant institution des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). 70 députés ont voté ce samedi à l’unanimité, le projet de loi instituant les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) pour donner un souffle nouveau à la stratégie militaire élaborée pour combattre les groupes armés terroristes. Le projet de loi a été présenté aux députés de l’Assemblée législative de Transition (ALT) par la Commission des affaires générales, institutionnelles et des droits humains (CAGIDH).

Le président de l’ALT, Dr Ousmane Bougouma

Trois commissions générales ont été saisies pour appréciations et avis. Elles ont toutes émis des avis favorables après examen du projet et analyse du compte rendu. Il s’agit de la Commission des finances et du budget (COMFIB), la Commission des affaires étrangères, de la défense et de la sécurité (CAEDS) et la Commission du genre, de la santé, de l’action sociale et humanitaire (CGSASH).

Les motivations de la création du concept VDP

En rappel, la situation sécuritaire que connaît le Burkina Faso avait amené, depuis 2020, les autorités politiques à envisager le recrutement de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) comme auxiliaires des Forces armées nationales (FAN) et des Forces de sécurité intérieure (FSI), à travers l’adoption de la loi n°002-2020/AN du 21 janvier 2020 portant institution de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP).

Au moment de son adoption, les autorités d’alors avaient constaté que la loi ne laissait pas suffisamment de marge pour son application dans un contexte sécuritaire très évolutif. En effet, les circonstances actuelles qui ont motivé la création de la Brigade de volontaires pour la défense de la patrie (BVDP) et son rattachement à l’Etat-major général des Armées (EMGA) ne cadrait plus avec le contenu de la loi n°002-2020/AN du 21 janvier 2020 qui ne prévoyait pas de VDP nationaux. Seuls les VDP communaux étaient prévus par la loi du 21 janvier 2020 dont les dispositions couvraient quelques détails de leur organisation et de leur statut. La loi précise les catégories de VDP. Il s’agit des VDP recrutés au niveau du village et de la commune d’une part et ceux recrutés au niveau national d’autre part. Le texte stipule que le VDP qui remplit les conditions exigées est prioritaire, notamment lors des recrutements militaires.

Sur la première ligne, les ministres de la Sécurité, le colonel Boukaré Zoungrana (à gauche) et de la Défense nationale le colonel-major Kassoum Coulibaly (à droite)

Dans le rapport du texte, pour ce qui concerne l’aide ou l’assistance financière de l’Etat à la famille du VDP si celui venait à tomber sur le champ de la bataille, le document souligne que l’Etat contribue à hauteur de 100 000 francs en cas de décès pour les frais d’inhumation. Mais, l’Etat contribue aussi pour les ayants droit d’un VDP décédé en opération, un soutien financier d’un montant d’un million de francs en un seul et unique versement.

La création de la Brigade de veille et de défense patriotique (BVDP), une innovation pour soulager les VDP

Les responsables de la mise en œuvre du concept VDP ont rassuré en ce qui concerne les retards constatés dans les paiements des supplétifs de l’Armée que la création de la Brigade de veille et de défense patriotique (BVDP) en tant qu’organe central d’administration des VDP contribuera à réduire les retards de paiement. Par ailleurs, des méthodes modernes de paiement sont en train d’être élaborées pour faciliter un paiement rapide des prises en charge des VDP. La loi montre clairement que chaque VDP a son rôle. Il n’y aura pas de contradiction entre les VDP nationaux et ceux communaux. En effet, les VDP recrutés au niveau communal travaillent à la protection des personnes et des biens de leurs communes tandis que ceux recrutés au niveau national interviennent sur l’ensemble du territoire national.

Une vue des députés de l’ALT

Dans le texte, la question de celui qui peut être VDP est aussi réglée car le statut du VDP est clairement défini. Toute personne désirant s’engager comme Volontaire pour la défense de la patrie et appartenant à un organe dirigeant d’une organisation à caractère politique ou syndical est tenue de démissionner dudit organe avant son engagement. L’exercice du droit syndical ou l’appartenance aux organes dirigeants d’un parti ou de regroupement de partis politiques ou d’une association à caractère politique sont formellement interdits au VDP.

Les problématiques des droits humains prise en compte

La formation initiale du VDP inclut l’acquisition de connaissances sur le respect des droits humains et le Droit international humanitaire. Ainsi, le statut du VDP précise que les règles d’engagement, le respect des lois et coutumes de la guerre et la maîtrise des rudiments du combat au sein des populations, constituent le socle de la formation. Dans le cadre de leur formation, le ministère en charge des droits humains est associé à cet effet.

Il ressort de l’exposé du rapport présenté aux membres de l’Assemblée législative de Transition (ALT) que la formation des VDP sera assurée par les entités telles que la Gendarmerie, la Police et l’Armée. Un guide de formation avec les modules a été élaboré et transmis aux différentes unités pour assurer ladite formation. Les armes mises à la disposition des VDP sont gérées par l’entité militaire dont relève le VDP.

Pour les critères de délimitation des compétences territoriales des VDP, la loi indique que les VDP recrutés au niveau communal interviennent dans leurs communes respectives tandis que ceux recrutés au niveau national opèrent sur l’ensemble du territoire national. A la question : « Quelles sont les dispositions prises par le Gouvernement pour prévenir l’infiltration des terroristes dans le corps des VDP », le texte signifie qu’outre les approbations faites par les populations locales et les enquêtes de moralité, les services techniques des Forces armées nationales et des Forces de sécurité intérieure sont mis à contribution dans le recrutement des VDP.

Les réponses des membres du Gouvernement aux questions des députés

Le ministre d’Etat, ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, le colonel-major Kassoum Coulibaly, répondant aux questions et observations des membres de l’ALT, a dit bien comprendre les inquiétudes et les souhaits des députés mais a signifié que la posture du Gouvernement s’inscrit dans la prudence. « Aucun VDP ne doit agir seul », a-t-il réagi avant de rassurer que la loi prévoit des sanctions pour les éventuels manquements. Selon sa précision, le contrat des VDP court pour un an.

Il a demandé aux députés d’être « flexibles » pour permettre au Gouvernement et même aux VDP de ne pas être pris dans l’étau de loi qui est en train d’être expérimentée. Il a appelé à la prudence car le concept VDP n’est pas une trouvaille pour absorber des sans-emploi qu’on va rémunérer comme des salariés mais ce sont des primes que ceux qui sont recrutés vont toucher. L’Etat veut compter sur l’engagement des populations qui du reste le manifestait déjà.

A sa suite, le ministre de la l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité, le colonel Boukaré Zoungrana, a d’abord rappelé comment est née l’idée des VDP. Il a affirmé qu’au départ, « ce sont les villages et les communes qui ont demandé à se défendre. Ils étaient prêts à supporter les charges comme il l’ont fait pour les groupes d’auto-défense ». A le suivre, c’est suite à la volonté exprimée et affirmée des populations des localités en proie aux attaques des groupes armés que le Gouvernement a voulu prendre les devants pour éviter les revers d’un armement des populations.

Ce que l’Etat fait n’est qu’une contribution en vue d’amener les populations à la base à produire des ressources pour permettre à ces VDP qui ne sont que l’émanation de leur volonté de survivre et défendre leurs localités, selon son explication. La loi, selon ses propos, vise seulement à encadrer une volonté populaire qui s’est inspirée des groupes d’auto-défense dénommée Koglwéogo qui luttait déjà farouchement contre les malfrats de tout acabit.

Par Bernard BOUGOUM