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Hama M. Dicko-président de la NAFA: «Nous sommes inquiets quant à l’indépendance du tribunal militaire»

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Pr Hama Mamoudou Dicko, président de la Nouvelle alliance du Faso (NAFA)

Précédemment président par intérim de la Nouvelle alliance du Faso (NAFA), l’Enseignant-chercheur en biochimie et en biotechnologie à l’université de Ouagadougou, Pr Hama Mamoudou Dicko, est devenu depuis le 20 janvier 2018, le président de ce parti. Réputé proche de Djibrill Bassolé, le professeur-président de parti, dans cet entretien à Wakat Séra, se prononce sur certaines questions d’actualité dont le procès en lien avec le putsch de septembre 2015 à propos duquel il dit être inquiet quant à l’indépendance du tribunal militaire.

Comment la NAFA se prépare-t-elle pour suivre le jugement du putsch manqué programmé pour le 27 février 2018?

Nous allons suivre ça comme tous les Burkinabè à travers les médias. Nous souhaitons tout simplement que la justice soit impartiale et que le droit soit dit. Nous allons également par le biais de nos avocats suivre l’évolution de ce dossier. Mais nous ne pouvons pas nous immiscer dans les décisions de justice. Déjà on avait promis démarrer le procès avant 2018. Nous sommes tout simplement inquiets de l’indépendance de la justice militaire parce que plusieurs juges dont le tout dernier, Jean-Marie Ouattara, ont été révoqués du dossier après avoir prononcé une décision contre la volonté du pouvoir. On est vraiment inquiet que le tribunal militaire soit à la limite embrigadée par le ministère de la Défense car nous doutons de son indépendance.

Notre vision est qu’il ait une seule justice et que les civils et les militaires soient traités de la même manière. Cet appel vaut aussi pour la Haute cour de justice. Il faut vraiment évacuer les dossiers judiciaires afin que les Burkinabè puissent passer à la phase de la construction du pays. Il y a en a qui disent que souvent un règlement à l’amiable est mieux qu’un bon procès. Donc on peut aussi penser à une justice transitionnelle où on règle les conflits à travers une réconciliation. Maintenant la justice formelle pourrait-elle régler tous les problèmes? Ce sont autant de questions qui se posent, auxquelles les Burkinabè doivent pouvoir trouver la bonne formule pour l’intérêt général de la nation.

Vous réaffirmez que M. Bassolé est un prisonnier politique?

Pour nous actuellement, Djibrill Bassolé est prisonnier du régime Mouvement du peuple pour le progrès (MPP, pouvoir) parce que c’est le ministre de la Défense (Jean-Claude Bouda) qui a sorti un arrêté en utilisant des dispositions de l’article du code de la justice militaire pour le maintenir en résidence surveillée. L’arrêté est venu en aval de son assignation en résidence et a fixé les conditions de détention. Cela veut dire même qu’on empiète sur les principes fondamentaux du droit qui dit qu’aucune loi ne doit être rétroactive sous peine qu’elle soit impersonnelle et impartiale.

Et cela est garanti par la disposition 5 de notre constitution. Donc à notre avis il y a violation de cette disposition. Et mieux l’article 100 du code stipule que la résidence surveillée est applicable seulement pour les étrangers ou des gens qui ont posé des actes attentatoires à la sûreté de l’Etat. Autrement dit, notre leader, Djibrill Bassolé n’est pas dans une situation où on pouvait l’assigner à résidence. Donc tout ça ce sont des soucis pour nous car il y a clairement une immixtion de l’exécutif dans le judiciaire.

Pourquoi la NAFA n’a pas attendu que le général soit jugé avant de le porter comme candidat?

D’abord, il y a une incompréhension à ce niveau que je voulais clarifier. Nous n’avons pas dit qu’on a investi son excellence Djibrill Bassolé au niveau du congrès comme candidat. Nous avons dit tout simplement que nous avons effectué une motion de soutien, de reconnaissance et de loyauté à son endroit avant un autre congrès qui pourrait confirmer ou non son investiture. Nous avons lancé un appel pour qu’il soit libre afin qu’il soit notre candidat en 2020, s’il remplit les conditions d’éligibilité. Et je tiens à préciser que jusqu’à preuve du contraire, Djibrill Bassolé est inculpé mais il n’est pas condamné. Donc il a ses droits d’éligibilité et personne ne peut nier cela.

Quelle est votre appréciation du nouveau texte de la Constitution qui attend toujours d’être adopté, soit par voie référendaire ou parlementaire ?

La NAFA a été représentée au niveau de la commission constitutionnelle qui a été mise en place par le chef de l’Etat (Roch Marc Christian Kaboré). Moi je pense qu’il y a une pagaille au niveau des articles. C’est comme si on a refait totalement une nouvelle constitution et ce n’est pas bien sur le plan législatif. Par exemple, on a déplacé l’article 37 qui dorénavant est l’article 42. Beaucoup d’articles ont été déplacés comme ça et cela embrouille les gens. On devait faire de telle sorte que les articles historiques restent à leur place. Deuxièmement il y a des aspects tels que la justice militaire qui demeure toujours alors qu’on doit seulement avoir une seule justice.

A mon avis la commission a fait un travail demandé par le chef de l’Etat et il ne faut pas qu’elle pense que ce qui a été arrêté sera forcément adopté. Dans ma compréhension le chef de l’Etat peut toujours modifier des dispositions de la même constitution avant de la déposer à l’Assemblée nationale. Constitutionnellement parlant, par rapport à nos dispositions actuelles, le chef de l’Etat ne peut pas soumettre directement au référendum un projet de texte. Donc le document passera obligatoirement par le Parlement qui décidera de son adoption ou pas. Or si l’Assemblée l’adopte, cela va aussi poser un problème de légitimité. Et puis, une fois que le nouveau texte est déposé au Parlement, les députés peuvent apporter des modifications et des corrections et c’est légal car ils (élus) représentent le peuple.

Comment appréciez-vous l’affaire dite Auguste Denise Barry, ex-ministre sous la transition, arrêté pour sa présumée tentative de déstabilisation de l’Etat?

Le parti prend acte parce que Auguste Barry était un acteur aussi pendant la transition et je pense qu’il avait probablement des accointances avec le pouvoir actuel. Si actuellement, il a des soucis avec le régime MPP, nous on ne peut que prendre acte. L’essentiel pour nous, c’est qu’il y ait la vérité dans cette affaire et que le peuple soit informé de tout, et que justice soit rendue. Quelques observations tout de même: il a été dit qu’une somme importante a été retrouvée chez lui. Ensuite Simon Compaoré (ex-ministre de la Sécurité) a dit qu’on sera épaté, ce qui constitue déjà une immixtion de l’exécutif dans le judiciaire, en ce qui concerne ce dossier. Je pense que, comme tout citoyen, il (Barry) a besoins de défense. Nous osons croire qu’on n’assistera pas à des règlements de comptes et qu’il y aura justice pour lui comme tous les autres citoyens burkinabè.

Comment avez-vous accueilli le remaniement ministériel du 31 janvier 2018?

Au niveau de la NAFA nous observons qu’il n’y a pas eu un grand changement. On observe aussi une augmentation de nombre de ministres, passant de 31 à 33. On s’est également demandé pourquoi le ministre de la Culture, Issouf Sawadogo a-t-il été remplacé (à seulement 3 mois un jour de sa nomination par Abdoul Karim Sango). Cela montre qu’au sommet de l’Etat, on nomme des gens qu’on ne connaît pas. Notre crainte c’est qu’avec ces changements ministériels intempestifs, cela n’entrave la bonne marche des directions générales et autres structures des ministères. Il faut aussi souligner qu’il y a des ministères sans portefeuille tel que celui du ministère d’Etat. Moi je pense que Simon Compaoré aurait dû juste s’occuper de son parti et laisser les jeunes dérouler le programme de leur candidat.

Selon vous, à travers ce remaniement, le président du Faso, Roch Kaboré, prépare le terrain pour les élections de 2020?

Je pense que ce qui a toujours été leur priorité, c’est la gestion du pouvoir et non l’amélioration des conditions de vie des populations. Ce qui est dommage parce que la plupart des hommes politiques réfléchissent sur comment accéder au pouvoir mais ne réfléchissent pas sur des stratégies de développement, et c’est le cas surtout du MPP. En 24 mois on est déjà à un troisième gouvernement. Ca fait trop quand même pour un mandat de cinq ans. Ce qui suppose qu’à chaque semestre, il faut un nouveau gouvernement, ce qui pose un problème de management au sommet de l’Etat. Et cela dénote aussi un manque de vision et une instabilité au sommet de l’Etat, car le ministre qui est là n’est pas sûr de dérouler son programme sur plus de six mois. Donc forcément cela joue beaucoup sur la gestion axée sur les résultats.

Sous quel signe avez-vous placé votre mandat?

Le but de mon mandat consistera à vraiment travailler à la restructuration du parti et à la compréhension de son idéologie par tous ses militants et sympathisants afin que l’idéologie social-démocratie soit bien cernée. Dans un contexte où le parti a souffert des exclusions de 2015 et 2016, nous sommes dorénavant électeurs et éligibles pour les élections de 2020. Donc nous allons poursuivre l’implantation du parti, faire en sorte qu’il y ait un regain de confiance entre la direction du parti et les militants. Nous voulons vraiment redynamiser le parti en informatisant au maximum les structures, miser sur les réseaux sociaux et veiller à la cotisation des militants car les gens sont réticents à ce niveau. Nous allons aussi créer un site internet pour le parti afin de rendre la communication plus fluide. Ce sont en gros les principales innovations que nous voulons mettre en œuvre pour aller aux élections à venir.

Peut-on dire que depuis que vous présidez aux destinées de la NAFA, le parti a gagné en mobilisation?

Oui! Beaucoup pensait qu’on était en léthargie mais avec l’organisation on sent que le parti vit et nous allons poursuivre dans cette dynamique. Le bureau national ayant connu des changements, il va sans dire qu’il y aura du sang neuf pour booster de nouvelles adhésions. Et comme vous pouvez le remarquer, notre parti a enregistré l’arrivée de beaucoup de jeunes, tant au sommet qu’à la base, qui apporteront un plus avec leurs expertise et expérience politiques.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que la NAFA n’avait de programme que de demander la libération du général Djibrill Bassolé?

Vous savez, tout parti sérieux possède un leader, un mentor et il faut qu’on ait l’humilité de le comprendre. Le mentor de notre parti, c’est le général Yipènè Djibrill Bassolé. Nous sommes dans un pays où le système politique est présidentiel. C’est un secret de polichinelle que de dire qu’au Burkina Faso, si vous n’avez pas un candidat d’envergure à l’élection présidentielle, il est inutile de créer un parti parce que tout tourne autour de l’exécutif. Du reste, ça n’a pas de sens qu’un parti n’ait pas de candidat présidentiable. Notre leader, notre candidat qu’on a choisi à l’élection de 2015, c’était son excellence monsieur Djibrill Bassolé même si malheureusement nous avons été victimes de l’exclusion due au code électoral du 7 avril (2015). Vous avez suivi les conséquences par la suite.

Les gens ont manifesté pour dénoncer cette décision antidémocratique. Nous avons même perdu, le 19 avril (de la même année), Awa Ouattara, une camarade, grande mobilisatrice à Bobo-Dioulasso, suite justement à une manifestation de protestation. Après il y a eu le coup d’Etat suivi de l’arrestation de notre leader. Alors, si on exclut notre leader de cette façon, c’est normal que l’une de nos priorités soit la lutte pour sa libération parce que si le mentor du parti n’est pas libre, cela va poser un problème de leadership au sein du parti. Donc le minimum de la loyauté qu’on puisse avoir envers lui, c’est de tout faire pour qu’il soit libre.

Avez-vous de ses nouvelles depuis qu’il a été placé en résidence surveillée, alors que la justice lui avait accordé la liberté provisoire compte tenu de ses ennuis de santé?

Nous échangeons avec lui tant qu’on peut. Il nous adresse toujours ses conseils sur ce que nous faisons, et nous prions Dieu pour qu’il recouvre la liberté parce que ça sera très important pour le parti pour la conquête du pouvoir (en 2020). En toute honnêteté on n’a pas quelqu’un de sa trempe à l’heure actuelle au niveau du parti qui peut être vraiment un candidat sérieux.

Qu’est-ce qui a poussé réellement l’ex-président de la NAFA Rasmané Ouédraogo à quitter la direction du parti?

Rasmané Ouédraogo a démissionné de la présidence de notre formation politique mais à ce que je sache, pas du parti. Mais ce que nous avons  constaté, c’est qu’il n’est plus revenu au siège du parti, et au congrès où il a été officiellement invité, on ne l’a pas vu non plus. Mais c’est un camarade avec qui nous avons créé le parti, et contribué à sa vie et son implantation. Je respecte son choix, sa décision car il a démissionné pour convenances personnelles. En politique, il faut aussi accepter que les militants puissent venir librement et partir librement s’ils le souhaitent. Ce qui est évident, c’est qu’aucun parti ne souhaite enregistrer des démissions de ses membres. Donc pour faire face aux démissions, il faut lutter pour de nouvelles adhésions et c’est notre cas actuellement.

Par Bernard BOUGOUM