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Mali: good luck, Jonathan!

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La junte militaire au pouvoir au Mali doit oeuvrer au retour à un régime constitutionnel

Si «les dimanches à Bamako, c’est le jour de mariage», comme le chante le célèbre couple d’artistes maliens, Amadou et Mariam, ce dimanche à Kati, était plutôt jour d’âpres négociations. Les négociateurs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ont réussi, selon certaines sources, à obtenir de la junte que  Ibrahim Boubacar Keïta puisse retourner à son domicile, sans doute pour préparer son exil que certains voient vers les Emirats Arabes Unis, ou un pays africain. Son Premier ministre, Boubou Cissé pourrait également retrouver les siens. Le sort du désormais ex président, car le Mali est certainement en train de tourner la page IBK, est donc plus ou moins scellé. Son retour au palais de Koulouba n’est plus à l’ordre du jour, n’en déplaise à certains chefs de l’Etat qui y tenaient avec leur dernière énergie.

Le chef de l’Etat malien, 75 ans, ne jouit pas d’une bonne forme, d’où la présence de son médecin à ses côtés et ses médicaments à portée de main, au cours de sa détention à Kati, depuis son renversement et sa démission, le mardi 18 août dernier. Mais la privation de liberté est loin d’être un contexte idéal pour une personne d’un certain âge, qui plus est malade. L’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan, le négociateur en chef de la CEDEAO, a donc joué serré, le colonel Assimi Goïta  et ses hommes, se sont sans doute assurés que la CEDEAO a définitivement abandonné son projet irréaliste de réinstaller IBK dans un fauteuil très contesté, qu’il a dû débarrasser par la force, suite au coup de force des militaires de Kati, survenu après  quelques semaines de protestation du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP).

Certes, la CEDEAO a, plus ou moins assoupli sa position des premiers jours qui ont suivi le coup de force, mais il reste qu’elle s’est considérablement décrédibilisée, en se rangeant, du côté du chef de l’Etat malien, qui, du reste, a, lui-même annoncé sa démission, même si, un voile couvre encore les circonstances dans lesquelles il l’a fait. Les problèmes maliens doivent trouver solution entre les Maliens, surtout que la fameuse CEDEAO est bien lézardée à son sommet, les chefs de l’Etat étant loin du consensus sur les sanctions infligées au Mali. Il importe maintenant que la junte continue de faire preuve d’ouverture, en organisant la transition politique qui devrait déboucher sur la remise du pouvoir aux civils, comme l’exige le jeu démocratique. Et c’est le challenge auquel doit s’atteler la CEDEAO, qui doit également chercher à redorer son blason.  Elle doit devenir une véritable machine de développement au service des peuples. Pour l’instant, la junte a proposé une transition de trois ans dirigée par un militaire.

En attendant d’opérer la mue souhaitée, l’organisation sous-régionale demeure ce club qui ne sort de sa torpeur que lorsqu’un des dirigeants est sous la menace d’être «dégagé» par ses concitoyens qui n’en peuvent plus de ployer sous la mal gouvernance et ses corolaires que sont la corruption, la gabegie, le clientélisme, le népotisme, la monarchisation du pouvoir, etc. Ingrédients qui bouillonnaient dans la cocotte-minute malienne, qui sifflait dans l’indifférence totale des Chefs de l’Afrique de l’ouest, la véritable définition de CEDEAO. Dire que c’est cette même CEDEAO qui criera au loup, en Côte d’Ivoire où Alassane Ouattara est en route pour un troisième mandat anticonstitutionnel, ou en Guinée, dont le président, un ancien opposant également est guetté par la même tentation.

Une chose est certaine, il serait plus heureux que la CEDEAO, et la fameuse communauté internationale accompagnent le Mali, en bonne intelligence avec les Maliens, vers une sortie de crise heureuse. Ainsi, les chefs de l’Etat de la CEDEAO retiendront la leçon que leur armée ou leur peuple, peuvent les chasser s’ils ne sont pas à la hauteur de leurs attentes, eux qui viennent se servir, au lieu de servir, selon l’esprit de la prestation de serment officielle. Les urnes ne sont pas une assurance tous risques contre les coups de force et les insurrections populaires.

Bonne chance au bien nommé, Goodluck Jonathan dont la bonne étoile lui aura servi à obtenir la libération de Ibrahim Boubacar Keïta!

Par Wakat Séra