Accueil A la une Présidentielle au Ghana: continuité ou retour aux anciennes amours?

Présidentielle au Ghana: continuité ou retour aux anciennes amours?

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Les deux véritables challengers de la présidentielle au Ghana pour 2020 (Ph. voaafrique.com)

17 millions d’électeurs pour choisir un président et 275 députés. Plus que simple jour d’élections générales, ce lundi 6 décembre, s’est joué, au Ghana, une partie décisive entre deux challengers qui se donnent rendez-vous sur la route de Jubilee House. En effet, l’actuel occupant du palais présidentiel, Nana Akufo-Addo, candidat à sa propre succession, affronte, dans les urnes, 11 concurrents, parmi lesquels, son éternel rival, John Mahama, celui-là même qu’il avait battu à l’élection présidentielle du 7 décembre 2016. Comme l’histoire prend un malin plaisir à se répéter, le président sortant, à l’époque, s’appelait…John Dramani Mahama, du National Democratic Congress (NDC), et était en piste pour un second mandat. Cette fois-ci, dans ce passionnant jeu de rôles inversés, c’est, William Addo Dankwa-Addo, le champion du New Patriotic Party (NPP), parti qui, durant huit années, a subi la dure traversée du désert dans l’opposition, qui va au charbon pour conserver son fauteuil.

C’est un véritable tie-break que les électeurs ghanéens doint arbitrer, pour une première fois, en l’absence du «père de la démocratie» de l’ancienne Gold Coast, Jerry John Rawlings, qui a tiré sa révérence à la veille de cette joute électorale. Mais, même en l’absence du gardien du temple, emporté le 12 novembre dernier, suite à des complications du Covid-19, ce scrutin devrait confirmer, sauf accident, le solide statut tenu par le Ghana, dans la short list des pays dits démocratiques de l’Afrique de l’ouest. Pour l’instant, le vote s’est bien passé, malgré quelques couacs. Le dépouillement a même commencé, juste après la fermeture des bureaux de vote.

En tout cas, après être passé, comme nombre de pays africains, par l’inévitable case des coups d’Etat dans la période post indépendances, le Ghana, depuis qu’il a été engagé sur les chemins difficiles de la démocratie par le pilote d’aviation et ancien président, JJ Rawlings, assure régulièrement, le passage du flambeau présidentiel par les urnes. L’alternance démocratique est devenue une marque de fabrique dans ce pays, où, des anciens présidents se succèdent et vivent ce bonheur de se rencontrer, lors de divers événements marquant la vie de la nation. Une réalité encore inimaginable dans bien des pays où les urnes sont l’exception pour désigner le chef de l’Etat, et le coup d’Etat la règle.

Et quand ils acceptent, de tenter le passage par les urnes, la plupart des dirigeants africains pipent les dés et sortent toujours vainqueurs, par «coup KO», face à des opposants dépités et sans moyen, qui résistent rarement à la broyeuse du parti au pouvoir, le sort des plus téméraires étant vite réglé par des institutions aux ordres. En Afrique, selon une loi non écrite, mais consacrée par les habitudes, «on n’organise pas les élections pour les perdre». Pourtant, au Ghana, à commencer par JJ Rawlings qui a organisé la présidentielle de décembre 2000, mais dont le poulain, John Atta-Mills a mordu la poussière devant le candidat de l’opposition, John Kufuor du NPP, l’alternance est démocratique. Et même pacifique, car, la fibre ethnique ou religieuse, n’intervient pas, en tout cas, pas pour le moment, pour créer des crises postélectorales sanglantes et meurtrières! Contrairement aux atmosphères tendues, faites de velléités guerrières, dans d’autres pays, au Ghana, élections riment avec fête! Et c’est tant mieux pour la démocratie qui peine à s’enraciner en Afrique.

Dans l’espoir que la carte de l’alternance démocratique sera jouée une fois de plus à fond, les Ghanéens sont prêts à se prononcer à travers les urnes. Vont-ils opter pour la continuité avec Nana Akufo-Addo, ou retourneront-ils aux anciennes amours, en portant leur choix sur le revenant, John Dramani Mahamane? La parole sera aux urnes! Seule ombre au tableau, c’est bien le déficit de confiance qui s’est instauré entre des opposants et la Commission électorale que certains considèrent être à la solde du parti au pouvoir et dont d’autres dénoncent l’amateurisme ou l’incompétence.

Pourvu que tout se passe bien et que le Ghana, donne le revers au voisin ivoirien, et à la Guinée, où, d’anciens opposants, en l’occurrence, Alassane Dramane Ouattara (78 ans) et Alpha Condé (82 ans), sont entrés dans l’histoire par une petite lucarne, en optant pour un troisième mandat anticonstitutionnel, malheureusement, applaudis par Emmanuel Macron, le président de la France, ancien pays colonisateur devenu exportateur de démocratie vers l’Afrique, notamment depuis le sommet de la Baule de juin 1990.

Par Wakat Séra