Accueil Opinion Procès coup d’Etat de 2015: la lettre de déport de Me Christophe...

Procès coup d’Etat de 2015: la lettre de déport de Me Christophe Birba, avocat de la défense

0

Ceci est la lettre de déport de l’avocat de la défense Me Christophe Birba. Cette lettre a été adressé au président du tribunal Seydou Ouédraogo qui l’a lu le vendredi 6 avril, à l’ouverture de l’audience à 9H07.

« Objet : Mon départ

Monsieur le Président,

Je suis bien obligé de me déporter de la cause en marge où j’occupais pour Monsieur le Bâtonnier Mamadou Traoré, les lieutenants Dianda Kadri Abdoul et Compaoré Relwindé.

En effet, plusieurs facteurs m’ont convaincu de l’impossibilité d’obtenir dans ce dossier un procès équitable au service de l’Etat de droit et par ricochet, au profit de mes requérants.

Je voudrais en retenir seulement trois (03) qui instaurent un procès des plus inéquitables : D’abord deux membres du tribunal, à savoir le Président Seidou Ouédraogo et le conseiller Emmanuel Konene, ont été récusés. Votre tribunal s’est déclaré incompétent au motif que la récusation de ces 2 magistrats obéit au droit commun des récusations, notamment le Code de procédure pénale. Or, le Conseil Constitutionnel avait tranché que cette juridiction est spécifique » et échappe au droit « spécifique » ayant prévu à l’article 27 du Code de justice militaire que la récusation est connue par le tribunal lui-même, c’est avec grand étonnement que nous avons accueilli votre décision d’incompétence.

L’article 344 du Code de procédure civile prévoit que : «Dès qu’il en a la communication, le juge doit s’abstenir jusqu’à ce qu’il ait statué sur la récusation. En cas d’urgence, un autre juge peut être désigné, même d’office, pour procéder aux opérations nécessaires ».

Dans votre cas, c’est en toute connaissance de la récusation qui vise les deux magistrats, que le tribunal n’a pas craint de rendre plusieurs décisions. Ce qui constitue la révélation même d’une partialité évidente. Ensuite et en tout état de cause, le juge de droit commun de la récusation, à savoir la chambre criminelle de la Cour de Cassation, a été saisi. Madame le Premier Président de cette Cour à qui la requête n’était pas adressée, l’a interceptée pour prononcer une ordonnance d’incompétence. Ce qui me conforte davantage qu’à plusieurs niveaux, la Justice burkinabè ne veut pas de procès équitable dans ce dossier.

Enfin, le 22 février 2018, je déposais ma liste de témoins, constituée d’un seul nom. Le témoin devrait éclairer le tribunal sur le fait que mon client, au moment du putsch, avait plutôt « combattu» aux côtés des forces loyalistes venues de plusieurs contrées du Burkina Faso.

A l’audience du 30 mars, il s’est avéré que ma liste avait été glissée dans votre dossier plutôt que d’être transmise au parquet pour convoquer le témoin, comme le veut la loi.

Pour ce fait là, vous avez écarté le témoignage recherché, et arrêté décision de justice une liste intangible de témoins. Or, l’article 54 de la loi n°014-2017/AN du 29 Juin 2017 a pertinemment disposé que «les témoins appelés par les parties sont entendus dans le débat, même (…) s’ils n’ont pas été assignés [cités] ». En écartant ce témoignage en violation de la loi, vous empêchez, en connaissance de cause, la lumière de jaillir. Ce qui est tout le contraire d’un juge impartial.

La Défense a donc sollicité un renvoi pour convoquer ses témoins. Vous avez, là encore, refusé. Certains témoins mêmes qui avaient volontairement comparu à l’audience n’ont pas été retenus pour vous éclairer.

J’ai tout compris et suis obligé de me déporter.

Votre Bien dévoué ».

Pour la SCPA Lex Ama

Maître Christophe Birba

Avocat à la Cour

Ampliation: Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre