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Procès Sankara: «Je suis absolument convaincu que la mort de Thomas a été préméditée» (Pr Etienne Traoré)

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Photo d'archives

Le professeur Etienne Traoré, enseignant d’université à la retraite, ex-membre de l’Union des communistes burkinabè (UCB), cité comme témoin dans le dossier de l’affaire dite de l’assassinat du président Thomas Sankara, appelé à la barre, le jeudi 18 novembre 2021, a soutenu qu’il est «absolument convaincu que la mort» du père de la Révolution d’août 1983 «a été préméditée».

Après avoir juré de parler sans haine, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, le Pr Etienne Traoré ex-membre de l’UCB, organe faisant parti du Comité national de la révolution (CNR), dit être «convaincu que la mort de Thomas Sankara a été préméditée». Pour lui, «Blaise Compaoré nourrissait l’ambition d’être au pouvoir depuis 1983». Il «avait son idée en tête et attendait un moment pour ça», a fait savoir le Pr Traoré.

Il a informé que le 15 octobre 1987, les coups de feu l’ont trouvé en circulation. Il aurait passé la nuit chez l’un de ses parents. Le 16 octobre 1987, dans la matinée il s’est rendu au Conseil de l’Entente à l’invitation du capitaine Blaise Compaoré. «Le matin, Victor Sanfo est venu me chercher pour le Conseil. Blaise m’a dit qu’il y a eu des problèmes entre eux, il y a eu des tirs et Sankara est mort», a-t-il relaté. Il a eu également, selon ses dires, l’information sur la mort de son ami Patrice Zagré par Blaise Compaoré.

«Il a dit qu’entre-temps, (Gilbert) Diendéré a levé la main et les gens ont compris qu’il fallait tirer», a-t-il poursuivi, affirmant qu’il «croyait vraiment que Sankara était mort accidentellement jusqu’à ce que je me suis rendu compte que ce que Blaise disait était faux».

«Chantal était en mission»

Après les événements du 15 octobre 1987, Etienne Traoré qui était convaincu de la thèse de l’accident, s’est vu confier la mission d’expliquer ces événements à l’extérieur.  «Je suis parti en mission à Dakar et en France pour aller expliquer que la mort de Sankara était un accident, sans mal parler de Sankara, car j’étais convaincu que ce qui s’était passé était un accident».

Selon ce témoin, il y avait des différends entre les deux mais, soutient qu’il ne «savait pas que c’était aussi grave». Il a laissé entendre que les discours que faisait Sankara dérangeait la France et des voisins du Burkina Faso, notamment la Côte d’Ivoire. «Je crois au complot contre Thomas Sankara parce que Houphouët (Boigny) n’aimait pas notre Révolution. Il n’aimait pas Sankara. Les forces de droite étaient contre Sankara», a déclaré le Pr Etienne Traoré. Pour étayer ses propos, il a cité un exemple de piège qu’on avait tendu au père de la Révolution.  «Thomas Sankara a été piégé par une bombe dans sa chambre en Côte d’Ivoire. Heureusement qu’il n’y était pas», a relaté M. Traoré.

Concernant les événements du 15 octobre, l’enseignant d’université à la retraite, a indiqué que de «source sûre, il était prévu que si Blaise Compaoré échouait son coup, un avion était déjà prêt à l’aéroport pour le faire quitter le pays». «Le président Houphouët et Eyadema (du Togo) étaient au courant de ce qui se passait au Burkina Faso», a-t-il poursuivi informant que la femme de Blaise Compaoré a joué un rôle dans la détérioration des relations entre son Blaise et Thomas. «L’ivoirienne (Chantal) était en mission. Elle a été épousée sans enquête de moralité. Chose que les autres n’approuvaient pas», a-t-il rapporté.

Dans sa déposition, il est ressorti que Etienne Traoré a participé à la rédaction des tracts sous la Révolution contre Thomas Sankara. Il a reconnu que ce n’était pas la bonne manière de faire des critiques. «Oui je suis d’accord qu’on ne devait pas passer par des tracts. On pouvait faire les discussions publiquement», a-t-il dit.

«Je suis resté sonné pendant un moment»

Devant la Chambre de jugement du Tribunal militaire de Ouagadougou, il y a été aussi invité, le médecin militaire, Bognessan Arsène Yé, actuellement député à l’Assemblée nationale, à livrer ce qu’il sait des événements du 15 octobre 1987.

Médecin militaire, après avoir été informé des coups de feu, le capitaine Yé a rejoint son domicile pour se mettre en tenu et ensuite rallier le camp Guillaume Ouédraogo, selon sa déposition. Avec ses collègues médecins, ils y ont passé la nuit attendant d’éventuel ordre. «Dans la soirée on a écouté la première déclaration de la dissolution du gouvernement, du CNR et de l’OMR (Organisation militaire de la révolution)», a-t-il confié, informant qu’ils ont passé la nuit sans savoir ce qui se passait exactement.

Le lendemain 16 octobre 1987, il s’est rendu au Conseil de l’Entente après avoir passé un appel pour savoir ceux qui y sont. «Je suis allé Blaise était occupé. J’ai vu le commandant Lingani et je lui ai demandé où est Sankara. Il a regardé une photo de l’homme qui était accroché et il a dit: «Le pauvre». J’ai compris qu’il n’était plus de ce monde. Je suis resté sonné pendant un moment», a relaté M. Yé face à la Chambre de jugement. Il a affirmé que c’est après que Blaise Compaoré lui a dit que Thomas Sankara «est mort accidentellement». Il a fait savoir que «c’était une arrestation qui a mal tourné. Que les gardes se sont affrontés», selon ce témoin.

L’audience a été suspendue et elle reprendra le lundi 22 novembre 2021, avec la poursuite de l’audition de Bognessan Arsène Yé.

Par Daouda ZONGO