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Procès Sankara:  les événements du 15 octobre «ne m’ont nullement surpris» (Basile Guissou)

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Le colonel à la retraite Pierre Ouédraogo et le professeur Basile Guissou sont les deux derniers témoins à passer à la barre, le mercredi 17 novembre 2021, pour faire leur déposition dans le cadre du jugement du dossier de l’assassinat du président Thomas Sankara et de ses douze compagnons, à la suite de Boukary Kaboré dit «Le Lion».

Le Pr Basile Guissou et le colonel à la retraite Pierre Ouédraogo ont tous été mis aux arrêts peu après le coup d’Etat du 15 octobre 1987 au cours duquel Thomas Sankara a été tué. Le colonel Ouédraogo a été arrêté le 17 octobre 1987 au Conseil alors qu’on l’a appelé à ces lieux car Blaise Compaoré voulait le voir. Il y a été incarcéré jusqu’au 17 mai 1988. «Je n’ai pas été informé des raisons pour lesquelles j’ai été arrêté», dit-il. Il était gardé par des élément du CNEC et a été mis en liberté par le général Gilbert Diendéré, selon le témoin.

Quant au Pr Guissou, qui a occupé plusieurs portefeuilles ministériels pendant quatre ans sous la Révolution, après le 15 octobre 1987, il vivait dans la clandestinité à Ouagadougou car il était traqué. Il a fallu arrêter son ami Oumarou Idani pour l’obliger à se rendre. Il a été mis derrière les barreaux à la Brigade de prévention routière de la gendarmerie en décembre 1987 et libéré le 25 mars 1988. Il raconte qu’il a été torturé tous les soirs et le colonel Jean Pierre Palm était le superviseur de ces tortures. «On ne m’a jamais interrogé sur quoi que ce soit. On ne m’a jamais dit ce pour quoi j’ai été arrêté. On m’a torturé et j’avais des plaies un peu partout», a-t-il informé. Il déclare que le jour de sa libération, il a été amené vers les rails et on l’a rasé avec des tessons de bouteille. «Je me suis évanoui et on m’a laissé là-bas», a-t-il poursuivi.

Le secrétaire national du Comité de défense de la Révolution (CNR), le colonel Pierre Ouédraogo et le Pr Basile Guissou sont revenus sur le climat qui régnait sous la Révolution. «Avant le 15 (octobre 1987), il y avait beaucoup de brouhaha, de rumeurs sur de possibles attaques, et des multiplications des tracts qui polluaient l’atmosphère», a laissé entendre le colonel Ouédraogo.

Egalement, selon le Pr Guissou, il est de «ceux qui ne peuvent pas dire que les événements du 15 octobre 1987 ont été une surprise». «Ça ne m’a nullement surpris», a-t-il lâché soutenant qu’il y avait deux courants sous la Révolution. «Ceux qui sont pour la Révolution comme nous et les contre-révolutionnaires (ceux qui voulaient manger)», a-t-il cité notant que le 15 octobre 1987 n’a été que l’aboutissement des tensions qui existaient.

«Le 7 octobre 1987, Sankara est venu dans mon domicile dans la nuit avec son discours qu’il devait prononcer le 8 octobre 1987 à une cérémonie pour que j’apporte mes amendements, alors que je ne faisais plus partie du gouvernement. Je lui ai signifié que je ne suis plus membre du gouvernement et il a changé de sujet. C’est là je lui ai dit: «Qu’est-ce qui t’empêche de parler à cœur ouvert avec Blaise (Compaoré) pour régler les tensions ?». Il m’a dit que c’était trop tard», a relaté M. Guissou.

Selon le colonel à la retraite Pierre Ouédraogo, «à une réunion à laquelle a participé Blaise Compaoré, Sankara a dit que Blaise pouvait prendre le pouvoir quand il le voudra», soutenant que «rien ne présageait une telle issue».

Après la libération du secrétaire national du CNR, il a été radié de l’Armée et reversé à la Fonction publique. «J’ai été affecté à Fada comme enseignant, chose que j’ai contestée», a-t-il dit faisant savoir que «tous ceux qui ont dit non au Front populaire, ont été emprisonnés, radiés et «ceux qui ont eu moins de chance ont été tués».

Au cours de cette journée, le Pr Guissou a été confronté au colonel Palm. L’ex-commandant de la Gendarmerie a nié avoir torturé ou fait torturer l’ex-ministre de la Révolution. «Je n’ai jamais torturé, ordonné ni assisté à la torture de qui que ce soit», a dit le colonel Palm. Quant aux arrestations, il affirme qu’il a reçu une liste des personnes à arrêter dont Basile Guissou. Cette liste venait du commandant Lingani, selon ses dires.

L’audience a été suspendue vers 16h et elle reprendra demain 18 novembre 2021 avec l’audition du témoin Jean Marc Domba Palm.

Par Daouda ZONGO