Accueil Editorial Rwanda: le mauvais coup de sang de Kagame!

Rwanda: le mauvais coup de sang de Kagame!

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Le président rwandais Paul Kagame (Ph. modafrique.com)

Plus de 2000 libérations de prisonniers politiques dont les plus emblématiques sont l’opposante Victoire Ingabire et le chanteur Kizito Mihigo. Si la première condamnée pour «minimisation du génocide» alors qu’elle militait pour la reconnaissance des victimes des massacres qu’auraient perpétrés les ex-rebelles du Front patriotique rwandais de Paul Kagame, elle avait déjà purgé plus de la moitié de sa peine, soit huit ans. Quant au chanteur Kizito, lui, contrairement à la version officielle, qui l’accuse d’avoir fait causette sur le réseau social Skype avec un opposant en Afrique du sud, a commis le même péché que Victoire Ingabire, d’évoquer les mêmes crimes qui porteraient la griffe du très craint parti au pouvoir, le FPR, rébellion à l’époque. Depuis le samedi 15 septembre dernier, comme leurs compagnons de geôles, ils peuvent respirer de nouveau, l’air de la liberté dans un Rwanda où le seul maître à bord a horreur des opposants, qu’ils soient à l’intérieur ou hors des frontières du pays.

Quelle mouche avait donc bien pu piquer Paul Kagame et lui inoculer cette puissante dose de magnanimité, lui qu’on dit si vindicatif? Certes, le Rwanda est cité en exemple aujourd’hui, en matière de développement économique, de la protection de la nature par des mesures fortes et heureuses d’assainissement, de l’émergence, du patriotisme, etc., mais il constitue également un condensé de frustrations et de violation de droits de l’homme décrié par les organisations évoluant dans le domaine. Le lest lâché par Paul Kagame est, il ne faut pas avoir peur de le dire, le résultat de la pression des mouvements de défense des droits de l’homme et dans une certaine mesure des Etats Unis qui ne font pas de mystère sur leur désapprobation de la politique anti droits de l’homme et contre alternance démocratique que Kigali façonne à merveille.   Le pas est vite franchi de ranger ce semblant d’ouverture politique, dans la catégorie opération de charme engagée par le Rwanda pour soutenir sa chef de la diplomatie en compétition pour le poste de Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

N’en déplaise à Kagame, on peut dire, sans risque de se fourvoyer, que cette candidature de Louise Mushikiwabo, tombe comme un cheveu dans la soupe francophone alors que le Rwanda avait tourné le dos à l’organisation, allant jusqu’à tomber dans les bras du Commonwealth, interdisant au passage, l’usage du français comme langue officielle, au profit de l’anglais. Toutefois, si ces libérations sur mesure comme l’a dit l’autre, peuvent constituer les prémices d’une ouverture politique et contribuer à l’unité et à la réconciliation au Rwanda, on ne peut qu’applaudir à tout rompre, le geste de Paul Kagame. Mais les politiciens ayant plus d’un tour dans leur sac et sachant récupérer de la main gauche ce qu’ils ont donné de la droite, Kagame vient de nous conforter dans ce pessimisme qui hantait largement les esprits. Et Du reste, les prisons rwandaises servent encore de gîtes forcées à bien d’autres opposants téméraires qui ont également droit à la liberté. Président Kagame, Déo Mushayidi, contraint à la prison à perpétuité et Diane Rwigara, ancienne candidate à la présidentielle, mise au frais avec sa mère et sa sœur, qui font partie de vos poils à gratter ont aussi besoin de votre «magnanimité»!

Les menaces de Kagame de renvoyer Victoire Ingabire en prison, si elle continue de nier avoir demander pardon et que l’opinion s’échine à lier ces libérations à une pression de l’extérieur, sont contre-productives pour le président rwandais. En tout cas, il apporte ainsi de l’eau au moulin de ceux qui pensent qu’il est un loup qui sait se mettre dans la peau d’un agneau pour assouvir ses desseins, en l’occurrence se donner ici, les chances de ravir ce poste de Secrétaire générale de l’OIF au profit de dame Mushikiwabo. Les contempteurs de Paul Kagame, se délectent d’ailleurs de cette sortie malheureuse qui frise, à s’y méprendre, l’autoritarisme.  L’homme fort de Kigali voudrait montrer qu’il a droit de vie et de mort sur ses sujets qu’il n’aurait pas réagi autrement.

Par Wakat Séra