Accueil Editorial Côte d’Ivoire: Libérez «l’otage» Gbagbo!

Côte d’Ivoire: Libérez «l’otage» Gbagbo!

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L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo (Ph. lapresse.ca)

Laurent Gbagbo victime expiatoire de la France. C’est la conclusion qui pourrait s’imposer à la suite des dernières accusations du célèbre détenu de Scheveningen. Incarcéré il y a maintenant six ans dans la prison 5 étoiles de La Haye aux Pays-Bas, l’ancien président ivoirien a toujours crié son innocence dans cette crise politico-militaire sanglante que la Côte d’Ivoire a traversée de 2002 à 2011 et qui a fait des milliers de morts. D’un doigt accusateur très précis, Laurent Gbagbo désigne à nouveau la France comme étant à l’origine de son mandat présidentiel mouvementé qui fait de lui aujourd’hui, un «otage» de la Cour pénale internationale. Avec force détails et une mémoire digne de l’historien qu’il est, M. Gbagbo se souvient des faits comme si c’était hier: la mise en garde de l’Italien Silvio Berlusconi contre Jacques Chirac; les manœuvres de Nicolas Sarkozy et de ses lieutenants Michèle Alliot Marie et Dominique De Villepin en complicité très étroite avec Blaise Compaoré pour déstabiliser la Côte d’Ivoire; le lâchage de certains camarades de la Gauche française, en dehors des fidèles Xavier Emmanuelli et Guy Labertit, le recours aux 100 kalachnikovs du Libyen Khadafi et aux armes de l’Angolais José Eduardo Dos Santos;  et les basses besognes de l’opérateur français Sagem pour organiser la fraude qui a fait gagner l’élection présidentielle de 2011 à Alassane Ouattara, son ennemi devant l’Eternel. Cette haine de la France à son encontre, Laurent Gbagbo la justifie par le fait qu’il n’était pas prêt à subir le diktat de Chirac et autres Sarkozy, alors que «Paris voulait un président docile».

La même rhétorique du président patriote, soucieux de préserver la Côte d’Ivoire contre l’impérialisme français?  En tout cas, le refrain a été seriné pendant longtemps par Laurent Gbagbo.  Sauf que cette fois-ci, le pensionnaire de Fatou Bensouda, joue son va-tout pour se donner de l’air. Toutes les demandes de liberté provisoire introduites par ses avocats ayant rencontré le refus de la Cour de plus en plus contestée dans ses méthodes et ses cibles. Certes, Laurent Gbagbo ne saurait se prévaloir de ses propres turpitudes car il a bien signé ses accords qu’il dénonce dès qu’il se retrouve porté par la foule des patriotes. Il a bien travaillé avec ces «ministres totalement illettrés» pendant des années. Il avait bien la possibilité et tout le loisir de porter plainte contre l’armée française qu’il accuse, seulement bien après coup, d’avoir tué des dizaines de personnes devant l’hôtel Ivoire. Nul ne pouvant se prévaloir de ses propres turpitudes, Laurent Gbagbo ne peut que s’en prendre à lui-même dans son option de «compter sur le temps pour que les gens y voient clair». Oui, il ne fallait pas se taire et compter sur le temps pour que l’avenir lui donne raison.

Mais avait-il seulement le pouvoir de s’élever contre cette machine qui l’a broyé avant d’en faire un colis pour La Haye? Non car il était seul contre tous. Certes, Laurent Gbagbo est loin d’être blanc comme neige dans cette affaire. Mais est-ce juste qu’il porte seul le faix, alors que les responsabilités de ces milliers de morts qui réclament aujourd’hui vengeance sur les bords de la Lagune Ebrié est partagée? Il y avait bien deux camps en conflit. Mieux, il avait avec lui, la légalité et la légitimité, lorsque la rébellion a provoqué la partition de la Côte d’Ivoire. Avec les nombreux revirements des témoins à charge et les mille et une failles de la procédure mal ficelée qui a même bâties des accusations sur des images venues d’ailleurs, il est temps de sortir de l’illogique justice des vainqueurs pour rendre sa liberté à Laurent Gbagbo. Tout porte à confirmer désormais que l’homme, même s’il a arrosé la graine de l’ivoirité, concept à l’origine de la guerre en Côte d’Ivoire, est garder au frais, juste pour permettre à son rival de toujours de gouverner sans l’avoir sur le dos. Car Laurent Gbagbo garde toujours cette popularité acquise du temps de son mandat présidentiel.

Il ne reste qu’à le libérer au nom des preuves inexistantes de sa seule culpabilité dans les heures sanglantes vécues par la Côte d’Ivoire.

Par Wakat Séra