Dans un geste fort d’ouverture, le Togo inaugure sa Ve République par l’élection de Jean-Lucien Savi de Tové à la présidence de la République. «Ce choix, porté par le Parlement réuni en Congrès, met à l’honneur une figure historique de l’opposition et témoigne d’une volonté affichée de réconciliation nationale et de dialogue», affirme, Antoine Edoh, à travers l’opinion suivante.
Jean-Lucien Savi de Tové, né en 1939 à Lomé, incarne, à lui seul, plusieurs décennies de la vie politique togolaise. Juriste formé à l’université de Bordeaux en France, il entre dans l’administration publique comme secrétaire général du ministère des Affaires étrangères en 1967. Accusé de tentative de coup d’État en 1979, il est incarcéré pendant dix ans, devenant ainsi l’un des symboles de la répression politique de l’époque.
À sa libération et avec l’avènement du multipartisme, il crée le Parti des Démocrates pour l’Unité (PDU), et est brièvement désigné Premier ministre par l’opposition en 1993, dans un contexte de crise politique. En 1999, il participe à la création de la Convergence Patriotique Panafricaine (CPP), aux côtés d’Edem Kodjo, et en devient le premier vice-président.
Ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat entre 2005 et 2007, il poursuit ensuite sa mission de dialogue en tant que président du Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation (CPDC) en 2009. Homme d’État expérimenté, il a également dirigé CFAO Motors Togo dans les années 1970, symbolisant son engagement dans le développement du secteur privé national.
Une élection à haute portée symbolique
La nouvelle Constitution, promulguée en 2024, marque le passage du Togo à un régime parlementaire. Le Président de la République, désormais élu par le Congrès pour un mandat unique de six ans, incarne l’unité nationale et joue un rôle d’arbitre institutionnel. Dans ce contexte, l’élection de Jean-Lucien Savi de Tové constitue une première forte: celle d’une personnalité issue de l’opposition historique, soutenue par une majorité parlementaire dominée par le parti au pouvoir.
Ce geste d’ouverture, salué au-delà des clivages partisans, apparaît comme un signal politique de maturité et de volonté d’inclusion. Il souligne l’ambition des nouvelles institutions dirigées par le Président du Conseil, Faure Gnassingbé, de bâtir un climat politique apaisé et propice aux réformes.
Vers un nouvel équilibre politique
Cette élection intervient à un moment charnière pour le Togo. Elle traduit une volonté manifeste de tourner la page des tensions anciennes et de bâtir une gouvernance fondée sur la concertation et l’équilibre des pouvoirs. En plaçant un homme d’expérience, respecté et au-dessus des clivages, à la tête de l’État, les institutions togolaises envoient un message de stabilité et de confiance.
En plaçant Jean-Lucien Savi de Tové à la présidence de la République, le Togo ouvre donc, une nouvelle page de son histoire. Ce choix inédit, qui aurait été impensable il y a encore quelques années, montre qu’une autre manière de faire de la politique est possible. Il appartient désormais aux acteurs institutionnels de donner corps à cet espoir et de faire de la Ve République un véritable cadre de refondation démocratique.
Antoine EDOH