Accueil Editorial Mali : le plus dur pour  IBK n’est pas de s’être fait réélire

Mali : le plus dur pour  IBK n’est pas de s’être fait réélire

1

Finalement Boua ma bla* ! En effet, Ibrahim Boubacar Keita rempile pour un second mandat de cinq ans à la tête du Mali, à l’issue d’une élection présidentielle remportée par  67,17 % des suffrages exprimés au second tour, devançant de loin l’opposant Soumaïla Cissé. S’il faut regretter que cette présidentielle a été entachée par des soupçons de fraudes mis en exergue par le camp de Soumaïla Cissé, toute chose qui présage d’une crise post-électorale dont l’Afrique est coutumière, il faut également déplorer le faible taux de participation (34,54%) au second tour. Et cela apparait comme le symptôme du désintérêt des Maliens vis-à-vis de la chose électorale, et plus généralement de la politique, à l’image d’ailleurs de bien des citoyens du continent noir. Cela pourrait s’expliquer par le fait que, c’est le parti au pouvoir qui organise, en général, les élections avec comme champion un président sortant candidat à sa propre succession. Et c’est parti pour les longs règnes !

Une telle configuration laisse penser que les dés sont déjà pipés ; que les carottes sont cuites pour le Chef de file de l’Opposition. Et cela est une preuve supplémentaire, s’il en fallait encore, à cette célèbre assertion de feu Omar Bongo qui a affirmé qu’en Afrique, l’on n’organise pas les élections pour les perdre. Encore que la présidentielle malienne a déjà reçu l’onction de l’Union européenne dont les observateurs ont – très vite – attesté de la crédibilité du scrutin aussi bien au premier qu’au second tour. Et si les jeux étaient faits d’avance, comme l’insinue l’opposition, à quoi servirait une participation à ces élections en dehors de s’offrir l’occasion d’en contester les résultats juste après ? Les partisans de l’abstention au second tour, eux aussi, semblaient s’inscrire dans cette logique selon laquelle  le boulevard était déjà tout tracé pour IBK. Ceux-ci oublient que leur participation aurait pu faire changer les tendances, ne serait-ce que réduire l’écart entre IBK et le chef de l’Opposition.

Car quand on n’aime pas, on vote contre, au lieu de vider les chaises. Le taux d’abstention aussi fort soit-il ne va jamais empêcher un président mal élu d’exercer, de piller les ressources publiques, de tourner le dos à la gouvernance vertueuse, en tout, de mordre à pleine dent dans la démocratie.

Mais dans cette affaire, la plus grosse croix est portée par l’opposition qui ne sensibilise pas ou le fait très peu. Cela, parce que si un président surfe sur des victoires répétées, profitant du faible engouement des populations pour la chose politique, c’est parce que les opposants enfermés, chacun dans son ego, refusent de faire bloc autour d’une candidature unique. Ils attendent en général, comme l’a fait Soumaila Cissé, l’issue des élections pour crier à la fraude exposant le pays à une crise post-électorale. Nous ne disons pas qu’il n’est pas élégant de contester, mais nous insistons sur le travail de fond en amont. Sinon, il y a presque toujours à redire des résultats des élections sous nos tropiques.

Voilà pourquoi IBK qui n’a pas forcement été élu proprement risque de faire face à une crise post-électorale vue que son challenger estime mériter plus que les 32% dont il a été accrédité au second tour. Aujourd’hui, quand on écoute le discours de mauvais perdant que prononce Soumaïla Cissé, l’on est en droit  de  dire que les Maliens sont à deux doigts de se déchirer les bazins. L’ancien ministre malien et son camp se disant lésés, comptent déposer un recours auprès de la Cour constitutionnelle pour espérer l’annulation des résultats. Ils veulent utiliser « tous les moyens démocratiques ». Seulement, dès qu’il y a contestation de résultats, la crise est déjà là, parce que c’est ce refus d’accepter l’issue d’une élection qui glisse inexorablement vers une crise post-électorale. Au Mali et aux Maliens de ne pas se laisser lécher par ce qui peut les avaler. Pour ce faire, « Soumi », devrait plutôt appeler ses partisans à rester chez eux pour donner la chance au règlement républicain de ce problème.

Une crise post-électorale n’arrange personne au bord du Djoliba, surtout que le pays est déjà en insécurité, notamment dans sa partie nord qui échappe au contrôle de Bamako en raison de la rébellion touareg et surtout de la menace terroriste dont souffrent aussi ses voisins tels que le  Niger et le Burkina Faso. Et il est vrai que cette ancienne colonie titube, souffrant de maux, qui datent pour certains, du temps où le Mali s’appelait Soudan français. Nous sommes en train de dire que IBK pour son premier mandat a échoué à résoudre les difficultés nées des conflits communautaires. En sus, le Mali a mal à son système éducatif et si les résultats sont définitivement validés, le nouvel élu aura comme défi de refonder l’Etat malien. Cela lui permettra de résoudre énormément de choses, dans la mesure où les failles de sa gouvernance passée ont été exploitées par les réseaux criminels et les extrémistes violents.

Les attentes sont donc grandes. Et lorsqu’elles ont cette taille, il est facile de décevoir. IBK devra donc s’assurer de bien fourbir ses armes contre les conflits communautaires et le chômage des jeunes et en faveur de l’éducation, la sécurité, l’amélioration de la gouvernance…  Dans ce contexte, le plus dur pour le président Ibrahim Boubacar Keita n’était donc pas de s’être fait réélire.

*Concepts en langue Bambara que nous reprenons à notre compte dérivé des termes ‘’Boua ka bla’’ initié par Ras Bath et ses adeptes de l’opposition malienne demandant à IBK de laisser le pouvoir et ‘’Boua Ta bla’’ des partisans du président IBK pour sa réélection

Par Wakat Séra