Accueil Editorial Qu’avons-nous fait de Thom Sank?

Qu’avons-nous fait de Thom Sank?

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Le président Thomas Sankara (DR)

Il s’appelait Thomas Sankara. Il incarnait l’exploit de tous les peuples africains opprimés. Dans le monde, son aura s’assimilait à celle de grands révolutionnaires comme Che Guevara. Et la révolution, il en est considéré comme le père au Burkina Faso. «A travers sa politique, Thomas a défendu, en donnant lui-même l’exemple, les valeurs essentielles telles que l’intégrité, l’honnêteté, l’humilité, le courage, la volonté, le respect et la justice.  En mobilisant les différentes composantes de la société, il s’est battu, de façon acharnée, contre la dette, pour le bien-être de tous les Burkinabè, la promotion du patrimoine culturel burkinabè et l’émancipation de la femme. Il a incité ses concitoyens à se prendre en charge pour vivre dignement. Bref, il a refusé  la soumission au diktat des plus puissants de ce monde, a pris la défense des plus faibles et des plus défavorisés.» Ainsi décrivait Thomas Sankara, dans une récente déclaration, son épouse Mariam, à l’occasion de la trentième célébration de la tragique disparition du fringant capitaine de l’armée burkinabè  à qui la mort a plus que jamais donné vie. Le 15 octobre 1987, date noire dans l’histoire politique burkinabè jalonnée de coups d’Etat, fut fatal à Thomas Sankara mais n’a jamais réussi à enterrer les faits patriotiques de l’homme dont la mémoire est toujours vivace dans les esprits au Burkina et ailleurs dans le monde.

Certes, comme tout homme, il avait ses défauts et ses qualités, surtout que la fougue de la jeunesse n’a pas toujours été bonne conseillère dans la prise de certaines décisions et d’actes que certains n’ont pas manqué de qualifier de populistes. Les vendeurs de sommeil et les chefs coutumiers, et bien d’autres catégories de la société qui ont vu leurs privilèges fondre comme du beurre sous le soleil de la révolution ne diront pas le contraire. Que dire de tous ses fonctionnaires de l’Etat dégagés sans autre forme de procès pour un retard, une absence ou pour oubli de port du patriotique Faso dan fani, tenue vestimentaire faite en pur coton burkinabè? Eux et d’autres qui ont subi la dure loi souvent inique des sulfureux Comités de défense de la révolution (CDR)  n’ont sans doute pas gardé un souvenir heureux de cette période où Sankara a fait du Burkina Faso, le Pays des hommes intègres. Aujourd’hui, Thomas Sankara est un héros, et célébré comme tel par la jeunesse africaine. Mais son idéal vaut-il encore quelque chose dans un monde où tout est monnayé et que les héritiers de Thomas Sankara se décrètent à tout vent, même ceux dont les actes de tous les jours sont aux antipodes des valeurs de probité, de travail, d’humilité, de courage, etc, incarnées par le père de la révolution burkinabè?

L’héritage de Thomas Sankara a été vendangé, car revendiqué et porté aujourd’hui par des politiciens et leurs appendices de la société civile corrompus, qui ont fait de «Justice pour Thomas Sankara» un honteux fonds de commerce. Toutes les occasions sont bonnes pour eux, de scander le nom de Thom Sank ou d’imiter son légendaire poing levé pour enfariner le peuple. Au Burkina, les révolutionnaires de la 25è heure sont légion et leurs actes n’ont jamais suivi leurs discours ponctués du célèbre slogan révolutionnaire «la patrie ou la mort, nous vaincrons». Contrairement au leader charismatique de la révolution burkinabè, pour qui le peuple est placé au début et à la fin des priorités, les usurpateurs de son héritage sont mus par des intérêts égoïstes et très personnels. La référence à Thomas Sankara n’est que leurre et tromperie éhontée du peuple.

Et depuis 30 années d’impunité, alors qu’à chaque commémoration du 15-Octobre, le nombre de manifestants se rétrécit comme peau de chagrin, le dossier judiciaire peine à aboutir. Certes il connaît à nouveau des avancées, après avoir connu un enterrement de première classe sous le régime défunt de Blaise Compaoré. Même l’exhumation pour reconnaissance par ADN, n’a pas permis de confirmer si le trou construit à la va-vite au cimetière de Dagnoën, quartier populaire de Ouagadougou, renfermait bien le cadavre du bouillonnant capitaine. Comme si le sort y allait aussi du sien dans cette affaire aux multiples ramifications étrangères. Qui a tué Thomas Sankara? Question trentenaire qui cherche toujours réponse.

Par Wakat Séra